Claude Chevreton
Recueil de textes en patois
LES TREUFES
Y’a quèque tin, y’étau au mois d’août, dze tirau mes treufes, elles sont précoces astoure. Dze me rapélau, quand dzétau
gaman, nau rintrau in classe le premier octobre, mon père se dépétsau à tirieu ses treufes pè que les gamans les ramassont
avant de r’mauder. Et din le maumin i sin plintau nipounitrau de c’tes treufes, de grands épa-yants. I sin tsara-yau de
grands plans baraus et même de maumin à la seume y’in navau encore eune duquatre bodzes, si y’étau pas trau
pangaulan.
Pè les mettre à lâvré, peu qu’elles ne dzelin pas, i s’atcheulau tau ta la cave. À stutché quin nérau la pu grousse tâpire.
Din les tares i fâlau bruler laus tseués, les arbes, bien sauvin y’étau pas sec et partau nau va-yau feumer c’taus sâtseurons, i
feumau bon djui… i sintau… i sintau… le sâtseuron. Dze trouve qui sintau bon. Les treufes se fazin couire à grands plan-nes tsadières, pè les poula-yes, laus cautsons. Eune brave feune, que fazau pas la culture, que sintau couire c’tes treufes, et
Dieu sait si i sintau bon, dizau : “ Si i zont de chance, c’tau monde ! ”.
Hé voui… nau zé heureux din nauté campagne… nau pou mindzieu de treufes couites à la tsadière… et sintre la feumire
des sâtseurons…
Il y a quelque temps, c’était au mois d’août, je ramassais mes pommes de terre, elles sont précoces maintenant. Je me
rappelais quand j’étais gamin, on rentrait en classe le premier octobre, mon père se dépêchait de tirer ses pommes de terre
pour que les gamins les ramassent avant de rentrer. Et dans le temps il s’en plantait de grandes quantités. Il s’en transportait
de grands pleins baraus et même parfois sur le tas il y en avait encore quelques sacs, si c’était pas trop en pente.
Pour les mettre à l’abri, pour qu’elles ne gèlent pas, on basculait tout à la cave. A celui qui en aurait le plus gros tas.
Dans les terres il fallait brûler les fânes, les herbes, bien souvent ce n’était pas sec et partout on voyait fumer ces tas, ça fumait
bon dieu… ça sentait… ça sentait…. Je trouve que ça sentait bon. Les pommes de terre se faisaient cuire à grandes peines
chaudières, pour les poulailles, les cochons. Une brave femme, qui n’en cultivait pas, sentant cuire ces pommes de terre, et
Dieu sait si ça sentait bon, disait : « S’ils ont de la chance, ceux-là ! »
Hé oui… On était heureux dans notre campagne… on pouvait manger des treufes cuites à la chaudière… et sentir la fumée
des tas d’herbe…