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Claude Chevreton
Recueil de textes en patois

Eune Taussaint u s’mintire
 

Dze me rappelle, ya quazu soixante dix ans, batout tot petiotement, enfin naus zen n’est pas à eune du quatre ans près. Y'étaut eune Taussaint. Cré bon goui, qui fazaut don bon. Y’avaut un grand solé ; i fazaut doux ; eune vrai dzornant de printemps. Y’est bin sauvin qu’u printemps i fait pas si bon. Bien seur le matan nauzons été à la meusse. La grand plan-ne église de monde — astoure y’in n’a pas tin. La seun’rant, bien vrai, naus zalaus i s’mintire. Kike vaus vauli don faire eune seun’rant de Taussaint ? Et naus zialaus à pieu bien vrai. Nau martsaus à bas atrefa. Dzétau don u s’mintire, dze me recueillaus su la tombe de mes ancêtres.
Tauparincoup dzintindis eune grande discussion, eune duquatre tombe dari la noutre ; un brave homme, taut guilleret, que se métit à daire, dans un langage savoureux, fort, pittoresque, dans un patois magnifique : « Mais seugne donc le Marcel, mais seugne don, mais il nétaut pas vieux quin ta l'est mort, mais seugne don, mais a n'avaut que.cinquante ans.. oh ben didon ! Mais c'est qu'a n'étaut pas... Oh inrimé a n'éraut pas azu trouvé c'te borrique (… sa femme) a s'raut batout pas mort. »
Soixante-dix ans après dze m'en rappelle mot pé mot. Mon Dieu qui étaut don dzoli : « Oh inrimé, a n'éraut pas azu trouvé c'te borrique a s'raut batout pas mort ! » Vau pensis bin que dre que dz'ai été rintorné dze me su dépétsieu à raconter sintché à mes parents sans en changer un seul mot : « Oh inrimé.... »
Ma mère a déclaré que y'étaut batout bin pas sa borrique que l'avaut fait meuri, mais putaut la maladie que liavaut tombé dessus. Et dz'ai su pu tard que c'tu brave homme étaut mort d'un cancer de la langue. Mon Dieu ti possible ? C'tu pour vieux, enfin, pour vieux, si naus vous, a batout bien seufri pé meuri, sans descendance. Y'étaut pas la bonne solution, mais yin n'avaut poan d'atre. Al'a don laissieu sa borrique, et a la été étsape.
Alors astoure vaus me daira, tote nauté borrique à travars la campagne, c'tés borriques que se crayons bien dégordis, fazins meuris leuzommes, sans descendance, à cinquante ans ? A bin dze cra que yéraut rudement meu de veuve(s) kien n'a pas et bien moins de monde su tarre. Pas vrai ? Inrimé ??...

Dz'ai été va u s'mintire si dze vayau la tombe de c'te borrique. Ah bin dze l'ai pas trouvée.
Y'est pas qui sairint parti, chépaou, avu taut leu fourbi.... y seraut bin diable.... mais naus n'en sait rien... Affaire à suivre ? ?....

Une Toussaint au cimetière
Je me rappelle, il y a quasi soixante-dix ans, peut-être tout juste, enfin on en n’est pas à quelques années près. C’était la Toussaint. Cré bon goui, qu’il faisait donc bon. Y’avait un grand soleil ; il faisait doux ; une vraie journée de printemps. C’est bien souvent qu’au printemps il ne fait pas si bon. Bien sûr le matin nous avons été à la messe. L’église pleine de monde – aujourd’hui il n’y en a pas tant. L’après-midi, évidemment, nous allons au cimetière. Qu’est-ce que vous voulez donc faire une après-midi de Toussaint ? Et nous y allions à pied bien sûr. On marchait par terre autrefois !  J’étais donc au cimetière, je me recueillais sur la tombe de mes ancêtres.
Tout d’un coup j’entendis une grande discussion, quelques tombes derrière la nôtre ; un brave homme, tout guilleret, qui se mit à dire, dans un langage savoureux, fort, pittoresque, dans un patois magnifique : « Mais regarde donc le Marcel, mais regarde donc, mais il n’était pas vieux quand il est mort, mais regarde donc, il n’avait que cinquante ans…  oh ben dis donc ! Mais c’est qu’il  n’était pas… Oh évidemment s’il n’avait pas trouvé cette bourrique (…sa femme) il ne serait peut-être pas mort. »
Soixante-dix ans après je me le rappelle mot pour mot. Mon Dieu que c’était donc joli : « Oh évidemment s’il n’avait pas trouvé cette bourrique il ne serait peut-être pas mort ! »  Vous pensez bien que dès que je suis rentré je me suis dépêché de raconter ça à mes parents sans en changer un seul mot : « Oh évidemment… »
Ma mère a déclaré que ce n’était peut-être pas sa bourrique qui l’avait fait mourir, mais plutôt la maladie qui lui était tombé dessus. Et j’ai su plus tard que ce brave homme était mort d’un cancer de la langue. Mon Dieu est-ce possible ? Ce pauvre vieux, enfin, pauvre vieux, si on veut, a peut-être bien souffert pour mourir, sans descendance. C’était pas la bonne solution, mais y’en avait pas d’autre. Il a donc laissé sa bourrique, et il a été délivré.
Alors aujourd’hui vous me direz, toutes nos bourriques à travers la campagne, ces bourriques qui se croient bien dégourdies, elles faisaient mourir leurs hommes, sans descendance, à cinquante ans ? Eh bien je crois qu’il y aurait drôlement plus de veuves et bien moins de monde sur terre. Pas vrai ?
J’ai été voir au cimetière si je trouvais la tombe de cette bourrique. Eh bien je ne l’ai pas trouvée.
C’est-y pas qu’elle serait partie, je ne sais où, avec tout le fourbi… ce serait bien le diable… mais on n’en sait rien… Affaire à suivre ?