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Recueil de textes en patois

La tante Louloute

T’la connue la tante Louloute ?… Oui ?… Couize te don… T’es trop dzoune, te pinse : la poure vieille y’a soixante-dix ans qu’elle est morte. Te pou aller va u s’mintire, sa tombe, lâmou à la seume, l’allée du miyeu, din le couan, du couté d’un bas. Mais kikié tau don que c’te feune ?…
Yétau tau simplement la tante de monsieur l’abbé Joseph Gras, nommé tcheuré à Coublin din les zan-nées 1920 et kèke. Et c’tu brave homme est veni s’installer à la tcheure u bor de Caublin avec armes et bagages (selon l’expression). Et din sau bagadzes i ziavau la “tante Louloute”, madame x ou y, ali don sava, pé li sarvi de bonne. (Enfin, nau dairons de gouvernante, i fait pu dzauli). La tante din saus bagadzes avau “la Louloute”. Un dzauli p’té tsan (qu’étau une chienne, d’où son nom). Un p’té tsan tau blanc et tau frisieu.
La tante… eune sacrée gaillarde, y’étau grand, y’étau carrée, y’étau caustau, y’étau lardze, mais y’étau brave, dzinti, agréable, aimable. Nau la vayau p’lau tseumans, un grand tsapé su la tête. Ah mais din le maumin… Eune grande cape su son nairan que descindau quâsu tinkaba et qu’évanlau quand elle martsau et la Louloute que patassaut p’le dari… Commin qu’elle s’apélau, la tante ?… Mais nau nin savau rien… Mais à force de va la tante et la Louloute insan — ah jamais leune sin lâtre ! — y’est deveni la tante Louloute, d’illustre mémoire à Caublin et sans doute dans les environs. La tante Louloute… l’unique ! l’incontournable ! l’apostolique ! la seule ! l’indivisble ! la glorieuse (comme la République !). mais hélas pas immortelle… Mais partin si, immortelle din la mémoire de c’tétché que l’ont connue.
Quand elle est veni à Caublin, la tante Louloute n’éatu dédza pas tote dzoubne. I sérau astoure elle sérau à la retraite. Mais din le momin y’in navau pouan. Mais comme elle avau un nevou tcheuré, elle a été sezrvinte vé sa et y’a parmis d’aller u bau. Apeu la vieu n’étau pas trafaillouse comme astoure !
Din son dzoune tin la tante Louloute avau été relidzieuse ! Elle fazau la classe é gamines, paritché dans kèke andre. Tau le monde étau bien cantin, les parents, les gamines, les sœurs.
Mais rapélivaus y’a cent ans, les princes qui nous gouvernent ont pondu la loi de séparation de l’Église et de l’État, et y’a pu fâllu de sœurs din les écoles… Allez, allez, foutim’ le camp vau débarrassieus de’yors ! Crevi de fan si vau volli, i ne tsâ pas.
Le tîn a passieu, y’a bin fâllu s’y faire.
Mais cent ans après, rapelli vau y’a pas si longtin, la comédie a recaumincieu. De poures gamines qu’avin eune pate su la tête pé aller in classe. I voulau batou daire ?… Ah, grand malheur… Mais alors si ivé comme sin, dans cent ans i vé recommencieu… Kiki vont trouver ?… Enfin, dans cent ans nau varons batou bin pas…

Non mais vau me daira…
Impétsieu de poures feunes de travailleu…
Impétsieu de poures gamines de se mettre un pataillon su la tête pé ne pas s’inreumer…
Et izapellont sintché la liberté et la solidarité !…
Bin merde alors !

Tu l’as connue la tante Louloute ?… Oui ?… Tais-toi donc… T’es trop jeune, tu penses : la pauvre vieille, il y a soixante-dix ans qu’elle est morte. Tu peux aller voir au cimetière, sa tombe, là-haut au sommet, l’allée du milieu, dans le  coin, du côté d’en bas. Mais qui était-ce donc, cette femme ?
C’était tout simplement la tante de monsieur l’abbé Joseph Gras, nommé curé à Coublanc dans les années 1920 et quelques. Et ce brave homme est venu s’installer à la cure au bourg de Coublanc avec armes et bagages (selon l’expression). Et dans ses bagages il y avait la « tante Louloute », madame x ou y, allez donc savoir, pour lui servir de bonne. (Enfin, nous dirons de gouvernante, ça fait plus joli). La tante dans ses bagages avait « la Louloute ». Un joli petit chien (qui était une chienne, d’où son nom). Un petit chien tout blanc et tout frisé.
La tante… une sacrée gaillarde, elle était grande, elle était carrée, elle était costaude, elle était large, mais elle était brave, gentille, agréable, aimable. On la voyait par les chemins, un grand chapeau sur la tête. Ah mais dans le moment… Une grande cape sur le dos, qui descendait presque jusqu’en bas, et qui se balançait quand elle marchait et la Louloute qui courait par derrière… Comment elle s’appelait, la tante ? Mais on n’en savait rien… Mais à force de voir la tante et la Louloute ensemble – ah, jamais l’une sans l’autre ! – elle est devenue la tante Louloute, d’illustre mémoire à Coublanc et sans doute dans les environs. La tante Louloute… l’unique ! l’incontournable ! l’apostolique ! la seule ! l’indivisible ! la glorieuse (comme la République !) mais hélas pas immortelle… Mais pourtant si, immortelle dans la mémoire de ceux qui l’ont connue.
Quand elle est venue à Coublanc, la tante Louloute n’était déjà pas toute jeune. Ce serait maintenant, elle serait à la retraite. Mais à cette époque, il n’y en avait pas. Mais comme elle avait un neveu curé, elle a été servante chez lui et ça lui a permis de vivre. Et puis la vie n’était pas compliquée comme maintenant !
Dans son jeune temps la tante Louloute avait été religieuse ! Elle faisait la classe aux gamines, je ne sais pas dans quel endroit. Tout le monde était bien content, les parents, les gamines, les sœurs.
Mais rappelez-vous il y a cent ans, les princes qui nous gouvernent ont pondu la loi de séparation de l’Église et de l’État, et il ne fallait plus de sœurs dans les écoles… Allez, allez, foutez le camp, débarrassez le plancher ! Crevez de faim si vous voulez, c’est pas grave.
Le temps a passé, il a bien fallu s’y faire.
Mais cent ans après, rappelez-vous il n’y a pas si longtemps, la comédie a recommencé. Des pauvres gamines qui avaient un fichu sur la tête pour aller en classe. Ça voulait peut-être dire ?… Ah, grand malheur… Mais alors si ça va comme ça, dans cent ans ils vont recommencer… Qu’est-ce qu’ils vont trouver ? Enfin, dans cent ans nous ne le verrons peut-être pas…

Non mais vous me direz…
Empêcher des pauvres femmes de travailler..
Empêcher des pauvres gamines de se mettre un fichu sur la tête pour ne pas s’enrhumer…
Et ils appellent ça la liberté et la solidarité !
Ben merde alors !